Simplifions la neuromodulation
Le cerveau, c’est un petit organe, d’un peu moins d’1.5 kg, qui baigne dans le liquide céphalo rachidien, et qui malgré sa petite taille consomme près de 20% de l’énergie produite par le corps. Il est constitué d’environ 100 milliards de neurones, entourés de cellules gliales (tout aussi nombreuses), qui servent à protéger, nourrir et favoriser l’influx nerveux des neurones.
Souvent présenté comme le « chef d’orchestre » de l’organisme, les fonctions du cerveau sont multiples : conscience, émotions, langage, mémoire, prises de décisions, contrôle des mouvements, perceptions sensorielles… Pour s’acquitter de toutes ces tâches, les neurones cérébraux sont en communication permanente entre eux, reliées entre eux en réseau. Cette communication c’est de l’électricité et de la chimie : des signaux électriques (potentiels d’action) se propagent le long des axones (le corps cellulaire des neurones) jusqu’aux terminaisons synaptiques (lieux de connexions avec d’autres neurones). En réponse à ce signal électrique, le neurone produit des substances chimiques : les neurotransmetteurs. Ceux-ci sont libérés au niveau de la synapse dans le milieu extracellulaire et vont activer ou inhiber un second neurone. De nouveau, le signal électrique poursuit son chemin le long de ce second neurone et ainsi de suite.
Les maladies psychiatriques sont liées à des dysfonctionnements neuronaux. Aussi, pour soigner ces maladies, les approches « physiques » cherchent à pallier ces dysfonctionnements en agissant soit chimiquement soit électriquement :
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Chimiquement, en agissant sur les neurotransmetteurs. Par exemple, beaucoup d’antidépresseurs modulent le fonctionnement de deux neurotransmetteurs : la sérotonine et/ ou la noradrénaline ; beaucoup d’anxiolytiques modulent le fonctionnement d’un autre neurotransmetteur : le GABA ; les antipsychotiques modulent le fonctionnement d’un autre neuromédiateur : la dopamine.
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Electriquement, en modulant l’activité électrique des neurones. C’est ce que l’on appelle la neuromodulation ou neurostimulation.
Les techniques de neuromodulation regroupent donc l’ensemble des traitements physiques, non médicamenteux, consistant à moduler l’activité électrique cérébrale.
On distingue :
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les techniques dites invasives : la modulation neuronale se fait en pénétrant dans le système nerveux. On distingue à ce jour deux techniques : la stimulation du nerf vague (VNS=Vagus Nerve Stimulation) et la stimulation cérébrale profonde (DBS=Deep Brain Stimulation). Ces traitements nécessitent des interventions chirurgicales, pour implanter un stimulateur qui active des électrodes de stimulation neuronale.
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les techniques dites non invasives : la modulation neuronale se fait par l’extérieur du corps. On distingue 4 grands types de techniques : électroconvulsivothérapie (ECT), stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS=repetitive Transcranial Magnetic Stimulation), la magnetoconvulsivothérapie (MST=Magnetic Seizure Therapy) et stimulation transcrânienne par courant continu (tDCS =Transcranial Direct Current Stimulation). Ces traitements se déroulent sous forme de séances répétées plusieurs fois par semaine (ECT, MST) ou quotidiennes (rTMS, tDCS) durant plusieurs semaines consécutives sous la forme d’une cure ;
Nous évoquons ici uniquement les techniques non invasives qui présentent le plus haut niveau de preuve scientifique, qui se divisent en deux catégories :
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L’ECT stimulent l’ensemble du cerveau, le principe est de provoquer une crise convulsive brève et contrôlée, au moyen d’un courant électrique de faible intensité. Les séancess sont réalisées obligatoirement sous anesthésie générale. Les soins doivent être réalisées au cours d’une hospitalisation.
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La rTMS et la tDCS permettent de focaliser la stimulation sur une zone cérébrale limitée. Ces techniques ne nécessitent pas le déclenchement d’une crise convulsive pour être efficaces, aussi, l’anesthésie n’est pas nécessaire. Les séances peuvent se réaliser au cours d’une hospitalisation ou en ambulatoire.
Tous les traitements par neuromodulation non invasive se déroulent sous forme de cure. Celle-ci consiste en la répétition de séances de traitement, à un rythme donné.
La seule technique officiellement validée en France est l’ECT. Pour autant, cela ne veut pas dire que les autres techniques ne fonctionnent pas ou ne sont pas pratiquées.
En effet, la rTMS par exemple a des indications reconnues, avec une efficacité bien établie dans ces indications, et elle est validée dans bon nombre de pays. Aussi en pratique, beaucoup de centres de soins en France utilisent cette technique dans leurs outils thérapeutiques, dans l’attente d’une reconnaissance par les autorités sanitaires française. L’efficacité clinique de la tDCS est en cours de validation, elle est donc proposée dans le cadre d’essais cliniques.
ECT
Historiquement, l’ECT est le premier traitement par neuromodulation, apparu en 1938 grâce à Lucio BINI et Ugo CERLETTI qui ont mis au point le premier sismothère, appareil permettant de faire de l’ECT. C’est également le premier traitement vraiment efficace pour traiter les maladies psychiatriques, puisqu’à cette date, aucun traitement médicamenteux n’existait pour ces pathologies.
C’est donc aussi, logiquement, le traitement le plus documenté, et si de nombreuses inconnues demeurent - notamment sur les mécanismes d’action précis - les indications, bénéfices attendus et effets indésirables potentiels sont bien connus. L’ECT est une technique qui est très lourde en représentation imaginaire qui inquiète les patients et leurs proches. C’est une technique qui fait encore aujourd’hui d’un très grand nombre de publications scientifiques et d’évolution techniques. Elle reste la technique la plus efficace dans les situations de dépression très sévère.
L’ECT c’est quoi en pratique ? :
C’est un traitement médical, consistant à induire, sous anesthésie générale, une crise convulsive, au moyen de l’électricité. A noter que l’on n’en devient pas épileptique en faisant une cure ECT.
On réalise une anesthésie générale, de très courte durée (moins de cinq minutes).
On injecte ensuite de la célocurine, médicament entraînant un relâchement musculaire.
On génère un courant électrique grâce à deux électrodes placées sur le crâne, induisant une crise convulsive, qui dure 30 secondes en moyenne et s’arrête spontanément
Ces séances sont répétées à un rythme de 2 à 3 par semaine. Une cure d’ECT comporte 6 à 20 séances maximum.
Indications :
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Dépression, soit dans les formes très sévères, engageant le pronostic vital (refus d’alimentation, conduites suicidaires); soit dans des formes très résistantes aux traitements habituels.
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Certains types de schizophrénie, résistantes aux traitements habituels
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Etats catatoniques
Effets indésirables :
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Liés à l’anesthésie générale : troubles cardiovasculaires, respiratoires ou allergiques
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Liés à l’ECT elle-même : troubles cardiovasculaires, douleurs musculaires, céphalées, nausées, et surtout troubles cognitifs, essentiellement à type de troubles de la mémoire qui sont transitoires dans la majorité des cas. Ces troubles touchent la mémoire des faits recents, mais parfois aussi la mémoire autobiographique. Ces troubles rendent parfois difficiles l’acceptation des ECT, mais il est possible de modifier certains paramètres techniques pour limiter ces effets secondaires.
Efficacité :
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Dans la dépression, toutes formes confondues, le taux de réponse à l’ECT est autour de 75%
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Dans la schizophrénie résistante, le taux de réponse est autour de 50%
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Il est fréquent de poursuivre la cure ECT en séances d’entretien visant à prévenir une rechute précoce de l’épisode (cure ECT de consolidation) ou une récidive d’un nouvel épisode dans les formes récurrente (maladie dépressive récurrente, trouble bipolaire), il s’agit des cure ECT de maintenance.
rTMS
Les premières utilisations de la TMS remontent au milieu des années 80, et depuis maintenant 15 ans, la rTMS est validée aux Etats Unis par la Food and Drugs Administration (FDA) comme traitement de la dépression faiblement résistante (échec d’un antidépresseur).
En France en revanche la Haute Autorité de Santé s’est prononcée négativement sur la technique, n’y voyant pas de bénéfice clinique en terme d’efficacité supérieure aux autres techniques médicamenteuses dans la dépression après échec de 2 antidépresseurs ou en comparaison à l’ECT. Elle a reconnu l’innocuité de la technique. sur cette validation. L’utilisation de cet outil thérapeutique reste donc toujours hors cadre d’une remboursement par l’assurance maladie et théoriquement réservée à des protocoles de recherche.
La rTMS c’est quoi en pratique ? :
C’est un traitement médical, consistant à induire, au moyen d’un champ magnétique, une stimulation neuronale d’une surface limitée du cortex. Ces stimulations répétées induisent un effet à long terme d’augmentation ou de diminution de l’excitabilité du cortex stimulé.
On installe le patient confortablement dans un fauteuil.
On repère la zone du cortex à stimuler, et on place en regard de celle-ci une bobine électrique, qui va générer le champ magnétique qui stimulera cette zone.
On stimule durant plusieurs minutes (5 à 30 minutes selon les protocoles).
Ces séances sont répétées à un rythme d’une à 2 par jour (voire jusqu’à 10 dans des protocoles plus récents). Une cure comporte 10 à 50 séances.
Indications :
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Dépression, pour des formes à bas niveau de résistance.
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D’autres troubles psychiatriques pourraient être des indications potentielles, mais encore dont l’efficacité reste à valider :
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Certains symptômes de schizophrénie : hallucinations auditives et symptômes négatifs
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Le Trouble Obsessionnel Compulsif
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Le trouble stress post traumatique
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Les addictions (alcool, cocaïne),
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Les troubles des conduites alimentaires
Effets indésirables :
La rTMS est globalement très bien tolérée. L’effet indésirable le plus notable, mais qui reste très rare (0.01% à 0.1%) est l’induction d’une crise convulsive. Peuvent aussi survenir fréquemment des céphalées et des douleurs locales de la zone stimulée.
Efficacité :
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Dans le traitement de la dépression aiguë, faiblement résistante, l’efficacité est clairement établie avec des taux de réponse de 40 à 70%. La rTMS est généralement associée à un traitement médicamenteux dans les situations de résistance médicamenteuse afin d’optimiser la réponse thérapeutique.
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Dans les autres indications citées, l’efficacité est probable mais non encore établie avec certitude
POUR RESUMER
Les techniques de Neuromodulation sont parfois une option thérapeutique qui peuvent être proposées dans les situation de troubles psychiatriques (DEPRESSION, SCHIZOPHRENIE, CATATONIE) très sévères (ECT) et/ou très résistant (ECT).
Dans les dépressions d’intensité modérée à sévère, modérement résistantes (échec de 2 antidépresseurs) en complément des médicaments antidépresseurs, la rTMS peut s’avérer utile. De même, quand la tolérance des psychotropes est mauvaise, la rTMS peut est un choix thérapeutique
Ces techniques imposent des soins au cours d’une hospitalisation pour les ECT ou en ambulatoire pour la rTMS. Ceci constitue une CONTRAINTE lourde pour les patients et leurs familles. C’est pourquoi elles sont souvent proposées tardivement au cours de la prise en charge.